Une vie au service de la guérison
Dr Yvette Bonny incarne la rencontre entre excellence scientifique et héritage caribéen. Originaire d’Haïti, cette pédiatre-hématologue a profondément marqué l’histoire médicale du Québec et du Canada. En réalisant la première greffe de moelle osseuse pédiatrique dans l’est du pays, le 2 avril 1980, elle a ouvert la voie à une médecine plus humaine et plus inclusive. Elle symbolise cette Caraïbe qui guérit, innove et inspire, bien au-delà de ses frontières.
Des racines haïtiennes à la vocation universelle
Née à Port-au-Prince en 1938, Dr Yvette Bonny grandit dans une Haïti confrontée à une forte mortalité infantile. Très tôt, elle exprime son désir de devenir médecin, portée par la figure de son grand-père, lui-même médecin respecté. Après ses études à l’Université d’État d’Haïti, elle obtient son diplôme de médecine à la fin des années 1950, animée par une conviction : soigner les enfants défavorisés de son pays. Son engagement envers la santé publique haïtienne aurait pu la retenir au pays, mais les bouleversements politiques des années 1960 la poussent à chercher ailleurs les conditions d’une carrière scientifique stable.
L’arrivée au Canada et le parcours exceptionnel d’une pionnière
En 1962, Dr Yvette Bonny s’installe à Montréal pour se spécialiser en pédiatrie à l’Hôpital Sainte-Justine. Elle devient alors la première résidente afrodescendante de cette institution, symbole d’un parcours hors du commun dans un environnement encore peu ouvert à la diversité. Après sa spécialisation, elle poursuit en hématologie à Paris, puis au Royal Victoria Hospital et à l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont, où elle complète sa résidence en 1968. Cette double expertise – pédiatrie et hématologie – lui permettra plus tard d’accomplir un acte historique : la greffe de moelle osseuse chez un enfant atteint d’une maladie grave.
Le 2 avril 1980 : une date gravée dans l’histoire médicale
C’est à l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont que Dr Yvette Bonny réalise, le 2 avril 1980, la première transplantation médullaire pédiatrique du Québec et de tout l’est du Canada. L’intervention est un succès : la jeune patiente, Sonia Sasseville, âgée de 13 ans, recouvre la santé et deviendra plus tard infirmière dans le même hôpital. Cet exploit marque un tournant pour la médecine canadienne : les familles n’ont plus besoin de se rendre à l’étranger pour obtenir ce type de traitement. Pendant près de vingt ans, Dr Yvette Bonny dirige l’unité provinciale de transplantation médullaire pédiatrique, réalisant environ 200 greffes et formant une génération de spécialistes.
Une approche humaine, entre science et compassion
Surnommée la « Patch Adams » du Québec, Dr Yvette Bonny a toujours placé l’humain au centre de la médecine. Ses jeunes patients, souvent atteints de leucémie ou d’anémie falciforme, trouvaient en elle un mélange de douceur et de rigueur. Elle croyait profondément à la puissance du sourire et de la bienveillance dans le processus de guérison. Cette dimension humaine lui a valu le respect de ses pairs et une reconnaissance durable dans les milieux hospitaliers. Elle n’a jamais considéré ses patients comme de simples cas médicaux, mais comme des histoires de vie à préserver.
Enseigner, transmettre et inspirer
Dès 1972, Dr Yvette Bonny devient professeure à la Faculté de médecine de l’Université de Montréal. En 1980, elle y est nommée professeure agrégée. À travers ses cours et ses stages, elle a formé plusieurs générations de médecins, insistant sur la rigueur scientifique mais aussi sur la dimension humaine du soin. Ses étudiants se souviennent d’une formatrice exigeante, passionnée, et d’une femme profondément engagée dans la réussite des jeunes issus de la diversité. Elle a également participé à la recherche sur les maladies du sang, contribuant à faire du Québec un pôle d’excellence en hématologie pédiatrique.
Une voix engagée pour la communauté haïtienne
Au-delà de l’hôpital, Dr Yvette Bonny s’est investie dans la vie communautaire. À Montréal, elle a soutenu de nombreux programmes pour les jeunes issus de l’immigration haïtienne, luttant contre la pauvreté et le décrochage scolaire. Elle a aussi accompagné les familles touchées par les maladies graves à travers des organismes comme Leucan. Son engagement dépasse la médecine : il s’agit d’un véritable combat pour la dignité, l’égalité des chances et la transmission du savoir. Pour de nombreux jeunes, rencontrer Dr Yvette Bonny, c’était rencontrer la preuve vivante que la réussite n’a ni couleur ni frontière.
Distinctions et reconnaissance
Les distinctions reçues par Dr Yvette Bonny témoignent de l’ampleur de son œuvre. En 2007, elle est faite chevalière de l’Ordre national du Québec, puis en 2008 membre de l’Ordre du Canada, la plus haute distinction civile du pays. En 2024, l’Université d’Ottawa lui décerne un doctorat honorifique pour sa contribution exceptionnelle à la médecine et à la société. Enfin, en 2025,elle est nommée Commandeur de l’Ordre de Montréal, rejoignant ainsi les grandes figures qui ont façonné la métropole. Ces reconnaissances soulignent non seulement sa carrière exemplaire, mais aussi son influence durable sur la communauté scientifique et caribéenne.
Héritage et mémoire caribéenne
À 87 ans, Dr Yvette Bonny reste une légende vivante. Son héritage dépasse la science : il touche à la question du rôle de la Caraïbe dans le progrès mondial. En alliant compétence, courage et humanité, elle a montré que l’excellence n’est pas une question d’origine mais de détermination. Elle inspire encore aujourd’hui les jeunes femmes, les étudiants en médecine et les communautés afrodescendantes à poursuivre leurs ambitions sans renier leurs racines. Son parcours illustre la puissance d’une Caraïbe éduquée, audacieuse et ouverte sur le monde.
La vie et la carrière de Dr Yvette Bonny rappellent que la médecine est avant tout une affaire d’espoir et de transmission. De Port-au-Prince à Montréal, elle a tracé un chemin exemplaire entre deux mondes, reliant la Caraïbe et le Canada dans une même mission : celle de sauver des vies. Son nom appartient désormais à l’histoire de la médecine, mais aussi à celle d’une diaspora qui, à travers ses enfants, continue d’enrichir le monde. Dr Yvette Bonny demeure un symbole d’excellence, de résilience et d’humanisme : une fierté caribéenne éternelle.